Dons et cadeaux dans les relations entre professionnels et résidents
L’importance du don dans nos vies
Le don est une partie essentielle de la vie humaine. Dans les sociétés anciennes, les échanges de dons et de « contre-dons » (ce que l’on donne en retour) étaient centraux. Même aujourd’hui, malgré notre société moderne, ces échanges restent importants. Donner et recevoir influencent nos relations, souvent sans que nous nous en rendions compte. Contrairement à la chanson de Florent Pagny « donner sans reprendre, aimer sans attendre », les anthropologues et psychologues pensent que les échanges de dons impliquent souvent une attente, consciente ou non.
Les cadeaux dans les institutions
Les échanges de cadeaux entre professionnels et résidents dans des institutions (comme celles pour les personnes handicapées) sont courants. Chaque institution a ses propres règles pour encadrer ces échanges. Certains lieux laissent faire librement, tandis que d’autres posent des limites strictes. Mais pourquoi réglementer ce qui semble si naturel ?
L’importance des cadeaux dans la relation
Dans les institutions pour personnes handicapées, les échanges de petits objets (tabac, nourriture, etc.) sont fréquents et significatifs. Un résident appelle cela des « petits trafics », un terme qui montre que même de petits échanges peuvent susciter des soupçons. Les professionnels craignent souvent que certains résidents soient exploités ou qu’ils aient du mal à refuser ces échanges. Si ces échanges sont trop contrôlés, les résidents trouvent des moyens de les poursuivre en cachette.
Chaque personne a une échelle de valeurs différente. Parfois, un résident qui semble être victime d’un échange profite en réalité de certains avantages. Ces petits échanges structurent les relations sociales et sont essentiels pour les personnes ayant des difficultés relationnelles. Bien que cela puisse provoquer des conflits, ces échanges sont une façon claire et prévisible de gérer les relations.
L’exemple des œufs en chocolat
Un exemple concret : une résidente, nouvelle dans une structure, part chez ses proches pour Pâques. Un professionnel lui dit de « manger du chocolat pour nous ». Elle revient avec deux gros œufs en chocolat pour le professionnel et son collègue. Mais le professionnel est en congé et les cadeaux personnels sont interdits. À son retour, la résidente se sent trahie et l’interpelle ainsi ‘’vous m’avez pris pour un con ! je vous ai amené du chocolat et vous ne le voulez pas. Vous m’avez dit de vous ramener du chocolat !’’. Cet exemple montre comment des paroles peuvent être mal interprétées et la violence que peut causer le refus d’un cadeau. Cela montre aussi l’importance du don pour tisser des liens.
Les cadeaux entre professionnels et résidents
Accepter un cadeau est parfois plus facile pour un professionnel que d’en offrir un. Donner déjà du temps et de l’énergie aux résidents crée une hésitation à offrir davantage. Les professionnels peuvent poser des règles pour gérer ces échanges, mais pour les résidents, offrir des cadeaux est une façon de remercier et de créer un lien. Cela leur permet de participer activement à l’échange, évitant ainsi de se sentir redevables ou passifs.
L’impact psychologique du don
Le don a une dimension identitaire. Et pour donner, il faut abandonner quelque chose, se séparer de quelque chose de soi, à soi, comme une forme de sacrifice. C’est pour cela que l’acte de donner est une prise de risque, il engage la personne et sa personnalité. Parfois même son honneur. Refuser un cadeau peut être perçu comme un refus d’amour, une blessure importante. Même les personnes en bonne santé psychologique ont du mal à détacher un cadeau de l’émotion et des sentiments.
Les pensées attachées aux cadeaux sont nombreuses : « Pourquoi m’offre-t-on cela ? », « C’est trop ! », « Il/elle m’aime vraiment ! », etc. Dire « c’est le geste qui compte » peut sembler une défense psychologique pour nier la charge émotionnelle d’un cadeau, mais personne n’est dupe.
Conclusion
Le don et le contre-don sont essentiels dans les relations entre professionnels et résidents. Exclure les résidents de cet échange crée un déséquilibre et renforce l’impression de dette. En acceptant et en participant à ces échanges, les professionnels reconnaissent la dignité et l’égalité des résidents. Le don est une expression d’amour et de respect mutuel.
Ces réflexions incitent les équipes à reconsidérer leurs pratiques concernant les dons, car ces échanges sont importants pour le bien-être des résidents et la qualité des relations.
Pierre Bidanel, psychologue & Coralie Leprevost, accompagnant éducatif et social.