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« Distance », « bonne distance », « juste distance professionnelle » : oui mais pour se mettre où ?!

Tout le monde a déjà entendu parler de la “distance professionnelle” dans le domaine de l’accompagnement des personnes handicapées. Ce concept, souvent associé aux “bonnes pratiques professionnelles”, est essentiel pour établir des relations entre résidents et professionnels. Toutefois, il peut être complexe et recouvrir diverses interprétations personnelles et institutionnelles.

Pourquoi cette notion a-t-elle émergé ?

La notion de distance professionnelle est née de la nécessité de structurer les relations dans le domaine du soin et de l’accompagnement. Michel Foucault, dans son ouvrage “Histoire de la folie”, montre comment les perceptions des troubles psychiques et leurs traitements ont évolué. La distance professionnelle trouve ses racines dans cette évolution historique.

Se mettre à distance, pourquoi ?

Les pathologies psychiques se manifestent chez la personne par des manières souvent déstabilisantes d’être en relation, parfois dans les attitudes mentales, parfois physiques, souvent les deux. Et la notion de distance est généralement au premier plan.

Trop loin, trop près, cela ne va jamais de soi. Pour l’accompagnant, il s’agit de trouver une distance qui facilite le respect de la personne, de ses défenses, de sa personnalité, tout en permettant de rencontrer son Altérité, sa Subjectivité, et d’entendre quelque chose de Sa vérité. Et cela passe par l’installation subtile de liens affectifs, de représentations intérieures (ce qu’on pense de l’autre), et d’une confiance mutuelle. Mais précisément, ces liens subtils sont aussi ce que le professionnel peut redouter. Devenir trop sensible à la situation de la personne, s’attacher à elle, perdre le recul critique sur sa pratique professionnelle et son positionnement. “

Les risques d’une mauvaise distance

Des statistiques montrent que les dérives peuvent être graves : en 2018, sur 841 crimes et délits sexuels commis sur des personnes handicapées, 13% des personnes mises en cause étaient des salariés des structures. Une réflexion continue sur la pratique professionnelle est donc nécessaire pour éviter ces dérives.

 

Les résidents et la distance

Les résidents ont-ils la capacité de trouver la bonne distance relationnelle avec les professionnels ? Une résidente a confié : “Je sais que vous êtes des professionnels, mais moi j’ai besoin de vous considérer comme ma famille.” Cette confession montre l’importance des besoins affectifs dans un environnement institutionnel.

Les professionnels occupent souvent une place parentale dans l’inconscient des résidents, ce qui peut mener à des comportements régressifs. Il est essentiel de repérer ces mouvements pour aider les résidents à maintenir et développer leur autonomie tout en respectant leur dignité.

Conclusion : La bonne distance, une utopie ?

Chercher la “bonne distance” peut sembler utopique, car toute relation crée une intimité avec ses aléas. Toutefois, cette recherche est essentielle pour construire une posture professionnelle solide. Être professionnel dans le domaine de l’accompagnement, c’est savoir se positionner au-delà de soi, en référence à un projet d’équipe. La réflexion professionnelle permet de se distancier de ses propres défauts et travers pour ne pas les imposer à l’autre.

La “bonne distance” parle aussi de la distance avec soi-même. Avant même la relation, l’outil premier dans ce domaine est soi-même.

Pierre Bidanel (psychologue), Coralie Leprevost (AES) & Soraya Tayebi (AES).